Hiroshima mon amour, par J.

Titre un peu facile, mais après deux jours là-bas, je suis tombée amoureuse de la ville et des environs. Faut dire aussi que le temps a aidé. La météo annonçait de la pluie, mais en fait je n’ai eu que du beau temps. Je suis arrivée très tôt à Hiroshima en bus de nuit depuis Osaka et j’ai directement rejoint l’auberge J-Hoppers. La réception était fermée, mais les ayant prévenus, ils m’avaient donné le code pour que je puisse profiter de toutes les commodités de l’auberge. On ne le dira jamais assez, les japonais sont sympas !

Après m’être préparée et avoir acheté de quoi pique-niquer, je pars pour Myjiama, une île en face d’Hiroshima classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Pour y aller j’ai pris un tram jusqu’à la gare de ferry et un ferry. Le matin j’avais acheté un pass un jour qui combinait ferry pour Myjiama et tram en illimité. Le pass coûte 840 Yens, l’aller-retour tram+ferry pour Myjiyama 880…

Daim Mijiyama

En arrivant, je suis excitée comme une gamine car je viens de voir un daim traverser la rue, je me calme en réalisant que plus d’une dizaine de daims sont tranquillement en train de faire la grasse matinée sous les arbres en attendant l’arrivée des touristes. Quel comité d’accueil : de jeunes mâles, des plus vieux, des femelles et même des bambis ! (Faux ! Bambi was a son of a biche.) En fait les daims se baladent un peu partout dans les rues de Myjiyama. Des panneaux vous demandent d’ailleurs de ne pas les nourrir ou les toucher. Ce qui n’est pas toujours facile sachant qu’ils viennent se servir. Ainsi pendant que je regardais le plan de l’île, mon déjeuner a failli finir dans l’estomac d’un daim ! Heureusement je suis rapide comme l’éclair quand il s’agit de protéger ma nourriture et seul le sac plastique a été endommagé. Toutefois le daim m’a suivi sur une dizaine de mètres en essayant de voler mon sac !

Comme il est encore tôt mais que la journée s’annonce chaude, je décide de commencer par grimper en haut du  mont Misen (516 mètres de haut). Je traverse d’abord le village, qui est plein de boutiques et restaurants sur le chemin pour l’Itsukushima-Jinja, l’attraction de l’île dont nous parlerons plus tard. On monte une petite route pendant dix minutes avant d’arriver au chemin de randonnée proprement dit.

Ascension Mont Misen

De là 2,6 km vous séparent du sommet. La montée est accessible à tous, à condition de prendre son temps car ça fatigue. Pendant une grande partie on monte un chemin avec des pierres ou des escaliers en pierre, au milieu de la forêt, avec un petit cours d’eau sur la droite. Ensuite le cours d’eau laisse la place à une vue sur d’autres îles, la côte et la mer bleue. On ne l’aperçoit qu’en alternance, à cause des arbres, mais c’est magnifique. Les dernières centaines de mètres sont difficiles ! On passe d’abord par un temple dans lequel brûle la flamme éternelle allumée il y a 1200 ans. Cette flamme a servi à allumer celle du parc de la paix d’Hiroshima. On continue à grimper après ce temple et on arrive près d’un amas de grosses pierres, avec juste à côté un observatoire pour déjeuner ou pique-niquer. La vue est époustouflante ! (Pour les fainéants, un téléphérique vous évite les trois quarts du chemin, mais c’est tricher !)

Mont Misen

Je décide donc de déjeuner ici, à côté d’un couple de Japonais qui m’offre de petites saucisses et réunit péniblement quatre phrases d’anglais pour discuter. Je redescends ensuite le mont par un autre chemin, en direction du temple Daisho-in. Je repasse d’abord devant le petit temple dans lequel se déroule une prière. Un moine prie avec un couple derrière lui qui prie aussi. Les prières sont des chants qui ressemblent à des transes, rythmées par un gros tambour. Tambour que j’entendrai aussi en atteignant le temple Daisho-in, après une heure de marche.

Ce temple est assez vaste et un peu isolé du reste du village. Je marche un peu sur le côté gauche avant les escaliers principaux et je découvre un alignement de statues le long d’un escalier. Au moins une centaine de statues sont réunies, c’est impressionnant. Toutefois, fatiguée et ayant besoin d’eau, j’écourte la visite de ce temple. Je m’offre par contre une glace, face à la mer avec un petit daim qui vient faire sa sieste à moins d’un mètre de moi, c’est magique.

Statues Daisho-in Temple

Plutôt fatiguée, je pars en quête d’un parc pas trop éloigné et nécessitant peu de marche car il fait vraiment très chaud. Je tombe en fait sur une petite plage face à l’Itsukushima-Jinja et à son tori flottant. L’Itsukushima est un sanctuaire un peu particulier puisqu’il est construit sur l’eau. La porte d’entrée, le tori, est à une dizaine de mètres plus loin dans la mer. En réalité, au moment de la construction de ce temple, les gens du peuple n’avaient pas le droit de mettre un pied sur l’île et rejoignaient donc le sanctuaire par la mer, en passant sous la porte, le sanctuaire étant lui aussi sur la mer. Malheureusement, il faut attendre une marée haute et plutôt d’un bon coefficient car sinon tout ou certaines parties du temple sont juste dans la vase.

J’ai donc trouvé une petite plage et un espace à l’ombre d’un pin, me permettant de me reposer en regardant la mer monter. Je me suis en fait endormie, mais je dois dire que c’est une sieste très agréable. J’ai ensuite rejoint le sanctuaire pour le visiter. Je voulais attendre la marée haute pour avoir l’impression de flotter, mais malheureusement, dix minutes avant le moment où la marée serait au plus haut, de nombreuses parties du temple n’étaient pas recouvertes. Du coup, la visite du sanctuaire perd de son intérêt car ce sont juste des bâtiments sur pilotis. Le Tori, lui, est magnifique dès que la mer monte un peu. Sur le chemin de la sortie, perdue dans mes pensées,  je regarde vaguement au loin et me dis, “tiens, c’est marrant ce bout de caoutchouc sur le sable, d’habitude c’est plutôt propre au Japon. Bizarre, il bouge … non mais attends ça serait pas… Ah mais si, mais si c’est bien un serpent !” Vous vous attendez à un hurlement, et bien non. Je suis restée calme et j’ai même réussi à prendre une photo, qui elle par contre me fait peur. Mais plus jamais je ne m’endors sur une plage au Japon !!!

Serpent Myjiyama

Je repars donc à Hiroshima en jetant un dernier regard sur le tori, avec le soleil qui décline, c’est vraiment beau. De retour à Hiroshima, je pars dîner chez Bakudanya, pour tester les tsukemen. Ce sont des nouilles froides, servies avec deux tranches de porc et un peu de légumes. A côté une sauce rouge à base d’huile, de piment et sésame. On peut choisir son niveau de piment. Une fois commandé, on vous tend un bavoir en papier pour protéger vos vêtements, et effectivement on en met partout (surtout moi et ma capacité à retrouver mon repas dans mes cheveux). C’est bon mais un peu écœurant à la fin car j’ai versé toute la sauce et donc ça baigne un peu. La prochaine fois, je doserai mieux !

Tori de Itsukushima-Jinja, Myjiyama

Le lendemain, journée consacrée à Hiroshima. Je commence par la visite du Musée du Mémorial de la paix. Ce musée est consacré à l’explosion de la Bombe-A mais a aussi pour vocation la suppression des armes nucléaires. On commence la visite par une rapide présentation de l’histoire d’Hiroshima. On passe ensuite à la période de la guerre avec des explications sur pourquoi la bombe-A a été lancée  et pourquoi Hiroshima a été l’un des choix des américains. On apprendra notamment qu’Hiroshima ayant été choisi pour cible, les américains ont arrêté de bombarder la ville afin de pouvoir mieux étudier les effets de la bombe. On passe ensuite à une salle présentant brièvement le 6 août 1945 et les dégâts causés par la bombe, avant d’arriver à un espace sur les armes nucléaires. On finit le musée par une dernière salle immense, montrant les dégâts causés par la bombe avec des photos, des reconstitutions, des objets déformés que l’on peut toucher, etc. Juste après la sortie, des écrans diffusent des témoignages de survivants.

Je pars ensuite à pied vers le centre d’Hiroshima pour aller déguster un Okonomiyaki chez Hassei. Les Okonomiyaki sont une crêpe, avec des légumes et de la viande ou du poisson. Dans certains restaurants on les fait soi-même, ici c’est le chef qui prépare tout, devant vous, sur des grandes plaques chauffantes. Je suis seule donc on m’installe en face du chef, devant la plaque. Je commande une demi-portion d’Okonomiyaki sans nouilles et je fais bien car c’est copieux ! Le chef commence par faire un rond assez fin de pâte. Par dessus il verse les légumes (ici une montagne de choux et soja) et le reste de la garniture (du porc pour moi) et attend un peu. Ensuite il retourne la crêpe pour que la garniture se retrouve en dessous. Une fois la cuisson terminée, il casse un œuf sur la plaque, le brouille légèrement, place la garniture et la crêpe dessus, retourne le tout et vous le sert avec une spatule. Vous mangez à même la plaque, en coupant des petits morceaux de cette grosse galette hybride avec la spatule. On peut assaisonner avec une sauce brune, ou bien de la mayonnaise, ou du gingembre ou nature. J’ai testé différentes combinaisons, le mieux c’est nature. Ma demi-portion m’aura calée avec en prime une super expérience pour seulement 450 yens, on est gâté !

Okonomiyaki Hassei, Hiroshima

Je pars ensuite à pied pour le Hijiyama-Koen, parc réputé pour la floraison de ses cerisiers et pour le musée d’art contemporain. J’arrive trop tard pour les cerisiers, dommage. Le parc en lui-même n’a pas grand intérêt, malgré les statues qui le parsèment. Je décide donc de repartir pour le parc de la paix, en passant par la Galerie Hon-dori. Cette  rue commerçante couverte abrite de nombreuses boutiques allant de l’enseigne connue au bazar japonais en passant par des cafés, des restaurants. Il est très agréable de se balader dans les rues d’Hiroshima et la ville est vraiment mignonne, avec une atmosphère très calme et paisible.

Je rejoins d’abord le Dôme de la paix. Ce dôme est l’un des rares bâtiments de l’épicentre de la bombe à ne pas avoir été rasé. Il est quand même amoché mais les autorités ont décidé de le laisser en l’état, comme un témoignage de ce qui s’est passé. C’est vrai qu’en se baladant dans Hiroshima on a du mal à croire qu’il y a soixante ans la ville a été complètement rasée. A part les différents mémoriaux, pancartes et musées, rien ne rappelle la tragédie. Je gagne ensuite le parc, dans lequel retentissent plusieurs gongs, ce sont ceux de la Cloche pour la paix et du Mémorial des enfants pour la paix, que les visiteurs peuvent actionner. Comme dans le musée le matin même, beaucoup d’enfants et de jeunes adolescents sont en sortie scolaire et ils sont nombreux dans le parc à aller d’un monument à l’autre en prenant des notes sur un carnet qui leur a été remis. Je les croise notamment au Mémorial coréen pour les victimes de la bombe-A (beaucoup de coréens travaillaient à Hiroshima et le Japon a mis un peu de temps à les intégrer parmi les victimes). Les enfants passent un par un devant le mémorial pour se recueillir quelques secondes et certains laissent des offrandes (nourriture, boisson, autres).

Mémorial coréen, Hiroshima

Je passe ensuite devant le mémorial des enfants pour la paix. A l’origine de ce monument, l’histoire d’une petite fille touchée par la bombe A à deux ans et qui a eu une leucémie à douze ans. Quasiment certaine de mourir, elle a entrepris de plier 1 000 grues de papier en espérant que si elle arrivait au bout de sa tâche, elle serait sauvée. Elle est malheureusement morte avant mais son histoire a inspiré le mémorial.

Je vais ensuite au bord de la rivière, à côté de jeunes étudiants ou lycéens en cours d’art plastique qui ont pour tâche de dessiner le dôme pour la paix en face. Les dessins sont plutôt réussis et c’est assez agréable d’être au bord de la rivière à regarder la ville, le dôme et les jeunes qui dessinent. Je finis ma visite d’Hiroshima par le mémorial national de la paix pour les victimes de la bombe A. Dans ce bâtiment, les noms des victimes sont répertoriés sur les murs. On peut également s’installer à la bibliothèque pour visionner des témoignages de survivants. J’en ai regardé trois et quand certains décrivent l’état dans lequel ils étaient après l’explosion, on se demande comment ils sont encore en vie !

Quai Hiroshima Parc de la paix

Retour ensuite à l’auberge,après un dernier tour dans le parc. J’y reste à peine une heure avant de prendre un bus de nuit pour Tokyo.

J.